L'opéra

La dernière tragédie de André Cardinal Destouches à l'académie royale de musique.

« Il est peu de noms plus célèbres que celui de Semiramis. Tous les auteurs ont parlé de son ambition, de sa magnificence et de sa mort. Elle périt par la main de son fils pour qui elle avait conçu une passion criminelle. C'est cet évènement qu'on met sur la scène. On a cherché pour l'amener, les moyens les moins odieux et les plus intéressants.

On feint que le ciel est irrité des crimes de Semiramis, qui menacée d'être tuée par son fils, l'avait fait exposer au moment de sa naissance. Maîtresse du trône, elle y veut placer Arsane jeune inconnu qu'elle aime, et en éloigner Amestris sa nièce, héritière de l'empire. Elle l'oblige à se consacrer au culte des dieux, et se sert du prétexte de les apaiser, par le choix d'une prêtresse du sang royal. Le ciel n'y consent pas ; il veut une victime. L'ambiguité des oracles, si conforme aux détours par lesquels il conduit ses vengeances, fait tomber l'apparence du péril sur Amestris. C'est pour la délivrer qu'Arsane, son Amant fait des efforts qui aboutissent, malgré lui, à la mort de Semiramis. Outre le soin qu'on a pris de cacher au fils et à la mère ce qu'ils sont l'un et l'autre, on a rejeté une partie de l'action sur Zoroastre roi de la Bactriane, inventeur de la magie, contemporain de Semiramis et trahi par elle. Il rend Arsane furieux ; et le désespoir de l'un & le trouble de l'autre, servent à exécuter l'arrêt du ciel contre la reine.

Les remords dont elle combat sa passion, ceux qu'elle témoigne en reconnaissant son fils, et en mourant, sont les secours par lesquels le théâtre concilie la pitié aux personnages les plus coupables. A l'égard d'Amestris [...] ses malheurs sont réparés et sa vertu récompensée. ».
Pierre-Charles Roy